lundi 24 avril 2017

En brèves : parfums du soir #1 (avril 2017)

White Blossom Under The Moon, Zhou Zi Yi

Les parfums du soir. Mon plaisir coupable des débuts de nuit, et apparemment un vice commun parmi les autres amateurs de parfum, si j'en crois les réseaux sociaux. 
Une grande partie du plaisir tient dans le geste : complètement inutile en soi car personne, ni même le porteur ne va le sentir très longtemps, et absolument décadent, étant donné que, s'il y a un moment où on peut s'asperger avec délices et sans restrictions, c'est bien la nuit. Personne ne viendra se plaindre (en théorie) parce vous avez un sillage au patchouli de cinq mètres...

Cependant, j'ai tendance à graviter autour des parfums plus légers et plus comfortables pour des raisons pas très rationnelles et donc difficilement explicables ; une peur d'avoir une nuit inconfortable avec des parfums trop fort : de faire des cauchemars, d'être révéillée par l'odeur, de ne pas pouvoir m'endormir etc. Alors je dégaine les variations multiples de la cologne pour explorer à l'infini le registre fougère-iris-eau chyprée-vanille et... ça me réussit plutôt bien. Au point d'avoir vu certains de mes parfums du soir, devenir des parfums du jour. 

Petit florilège sans hiérarchie :
- Yves Rocher, Fleur d'oranger lavande petit grain : acheté impulsivement alors que je venais d'avoir un flacon de Rose Oud gratuit... Bref, un délice. Une formule étrange, pleine d'eau, à mi-chemin entre la cologne et l'eau florale (du genre achetée en magasin bio), très douce sur la peau, et qui s'y pose avec une nonchalance imperceptible comme un pyjama en coton ancien, terriblement doux et fin. Le nom du parfum lui-même est parfaitement descriptif : une fleur d'oranger néroli très naturelle, un petit-grain boisé, piquant, savoureux, et une touche de lavande qui donne de l'élan à la chose. Petite chose disparue en une heure, je garde la flacon sur ma table de nuit pour pulvériser avec abandon. Délicieusement rafraîchissant.
- Claude Galien : Iris et Chypre (à voir ici). Deux colognes tout ce qu'il y a de plus traditionnel, disponible dans certaines pharmacies françaises. L'iris est doucement poudré et tactile, alors que le chypre est assez boisé, ambré et presque animal dans le fond. Les deux s'accordent autour de ce qui, d'après moi, fait le squelette de la cologne : des agrumes fusants, un peu de lavande, et un fond propre et transparent. Deux merveilles que je sentirai encore le lendemain matin.
- Réserve Naturelle : Tubéreuse, Néroli,  et Baume et bois. Une marque de cosmétiques bon marché qui fait des parfums. D'après Frangrantica, c'est le propriétaire de la marque qui compose lui-même les parfums. Mon radar scepticisme devrait biper furieusement. Mais non. Malgré une tripotée de références très médiocres, voire carrément mauvaises (ils doivent vendre en grandes quantités, c'est compréhensible), certains parfums sont exceptionnellement bons pour le prix et la qualité des matières premières. Tubéreuse est aqueuse, transparente, dans un style Issey Miyake mais en plus couillu, mais concombre, plus fleur blanche. Propre et crémeuse. Le Néroli est brillant, malgré une ouverture aigre et laiteuse plutôt désagréable, il se pose ensuite avec beauté sur la peau en une fleur d'oranger fraîche, pas trop sucrée, mais réaliste. Baume et bois est un déluge de benjoin, vanille et labdanum. Ambré sec malgré une vanille syrupeuse. Très beau superposé avec...
- Guerlain : L'Heure bleue. Connu et reconnu, je vous épargnerai donc mon laïus habituel. Parfait pour le soir, que ce soit ou non lié à son mythe génésique, il réussit toujours à m'envelopper chaleureusement dans sa forme un peu abstraite et virevoltante. L'Heure bleue est toujours parfait.

Sur ce, bonne nuit.

lundi 27 mars 2017

De l'utilisation du second degré en parfumerie (Smell Bent, Werewolf Lumberjack etc.)


Le parfum étant généralement considéré comme un objet de luxe, il est presque toujours entouré par un effet d'aura qui bride quelque peu la créativité, et nous emmène forcément dans le conventionnel et l'ennuyeux (hum hum Guerlain).

Brent Leonesio, le créateur de la petite marque de niche californienne Smell Bent, a choisi de prendre une décision totalement opposée. Et c'est ainsi que Werewolf Lumberajck reclining on a bearskin rug in the middle of winter in front of an open fire est né, en incarnant la prise de risque extrême de la marque. 
N.B. : de mon point de vue, Smell Bent est tout ce que Etat Libre d'Orange a essayé d'être, avec des parfums vraiment originaux en plus.

lundi 13 mars 2017

Abdul Karim Al Faransi, Sheikh Al Faransi. Ambregris chiaroscuro.

John Singer Sargent, Fumée d'ambre gris.

Sheikh Al Faransi (ci-après nommé SAF) est une variation moderne et complexe autour de l’ambre gris. Un fac-similé, un hommage au matériau noble, un pastiche, une reproduction historique, un peu tout ça à la fois peut-être. D'une facture particulière, SAF est un magnifique exemple de traitement des matières animales en "reconstruction", qui tiendrait presque de la prestidigitation.

jeudi 2 mars 2017

En brèves : Le Jardin Retrouvé (Cuir de Russie, Rose Trocadéro, Sandalwood Sacré).

Le packaging est magnifique, il faut le reconnaître.

Le Jardin Retrouvé : marque de niche relativement ancienne, tombée dans l'oubli, et ramenée à la vie en 2016 à grands coups de storytelling ingénieux et de marketing bien fait. La marque distribuait gratuitement trois échantillons par personne à qui le voulait bien grâce à un lien disponible sur les réseaux sociaux. Jusque là, rien de bien choquant pour une marque de niche à l'ère du numérique. J'ai revendiqué mes échantillons, reçus peu de temps après dans un packaging soigné avec un note manuscrite de demandant gracieusement de bien vouloir partager une photo de mes échantillons sur les réseaux sociaux en précisant leur disponibilité au grand public. Chose que j'aurais faite si les parfums avaient fait preuve à mes yeux de la qualité revendiquée par le discours de la marque. 
J'ai longtemps hésité à écrire cet article ; ça m'horripile un peu de critiquer une marque toute jeune, mais la pseudo-sponsorisation éhontée sur Instagram, les avis dythirambiques envahissant les forums, et la médiocrité toute relative des trois références que j'ai pu tester m'ont un peu forcé la main. Bref, c'est pas mauvais, mais c'est pas exceptionnel non plus.

Sandalwood Sacré : Une explosion de santal de bonne qualité, légèrement cuiré, épicé, frais et laiteux. Néroli astringent, avec une écrasante note de petit-grain. C'est lui qui domine le parfum, et non le santal. On exploite ici les facettes les plus propres et cologne du santal, mais l'ensemble manque de complexité et de nuance. Un vrai monolithe construit autour d'un seul accord santal-hespéridé. La fleur d'oranger n'arrive que tardivement, et elle arrange un peu la chose en faisant ressortir les parties les plus riches du santal. Une touche de mousse accompagne le santal, mais elle est quasiment inexistante. La marque nous parle aussi de patchouli et de baume , mais leur présence n'est que purement anecdotique. La performance est médiocre comme pour les deux autres références que j'ai pu tester : immédiatement un parfum de peau, à la longévité un peu faible pour un boisé.

Rose Trocadéro : Rose de mai fraîche et verte, avec une ouverture écorce de citron plutôt bien faite. Très transparente, un peu âpre et métallique. Côté frais de lavande lessiviel et de musc blanc trop propre pour mettre la rose en valeur. Savonnette poudrée. Seul aspect vraiment intéressant : l'accord galbanum-cire d'abeille-bourgeon de cassis qui me rappelle certains chypres verts des années 50-80. Ce côté chypré aurait mérité d'être amplifié, et aurait fait un très beau contraste avec la fraîcheur de la rose toute verte. Plutôt agréable, mais trop linéaire pour être vraiment intéressant.

Cuir de Russie : En fait, c'est une violette aromatique. L'accord violette-genièvre est original, mais mal pensé, et pas vraiment harmonieux. L'effet global est aigre, acide, vinaigré et aqueux et désagréable, comme une mauvaise cologne artisanale qui aurait mal vieilli. Il faut attendre plus d'une heure sur peau, encore plus sur touche, pour que l'effet jus de cornichon s'apaise. Le cuir est uniquement dans le nom ; la suite du développement ne dévoile qu'une illusion cuirée-ambrée-florale à base de notes boisées et d'ylang de bonne qualité. Le styrax et le patchouli ne parviennent pas à sauver tout ça avant la 4ème heure. La performance est trop légère pour pouvoir apprécier le développement. Il faut sur-pulvériser pour avoir quelque chose de décent qui survive le stade des deux premières heures du développement. Une énorme déception pour moi.


***

Dans l'ensemble, les trois parfums que j'ai pu tester du Jardin Retrouvé sont décevants. A l'aveugle, j'aurais pensé être face à des eaux de cologne 100% naturelles plutôt bon marché telles qu'on les trouve souvent en magasin bio. J'aurais pu acheter Sandalwood Sacré et Rose Trocadéro si ça avait été le cas, mais je ne suis vraiment pas prête à payer le prix de la niche pour une telle déception. Je n'ai pas senti les trois autres références de la marque : une tubéreuse, une verveine et un citron je crois. Au lecteur de se faire un avis pour ceux-là. 
D'une part, je pense que le style de la marque ne me convient pas, et d'autre part, je trouve que les parfums en eux-mêmes ne sont pas très bien faits. Ils pourraient cependant convenir à quelqu'un qui souhaiterait un parfum simple et conventionnel, avec une performance très légère, dans le style des parfums Mark Buxton (que j'abhorre par ailleurs, donc bon, mon avis est à prendre avec une pincée de sel). Quitte à acheter dans le registre cologne, autant prendre une Claude Galien à 10 euros/100 ml, ou explorer la gamme Atelier Cologne ou même certains Goutal


mercredi 22 février 2017

L. T. Piver, Cuir de Russie (vintage). Ruine Belle-Epoque.



Le "cuir de Russie" est un véritable mythe de la parfumerie du XXe siècle. Impossible de savoir qui a fait la première version (Guerlain ou Chanel, un cas de plagiat par anticipation ? Mystère), mais le site de L. T. Piver s'enorgueille tout de même d'un très vague "fin du XIXe siècle" pour sa déclinaison, un peu tombée dans l'oubli pour être honnête, de ce morceau de bravoure de la parfumerie moderne.