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John Singer Sargent, Fumée d'ambre gris. |
Sheikh Al Faransi (ci-après nommé SAF) est une variation moderne et complexe autour de l’ambre gris. Un fac-similé, un hommage au matériau noble, un pastiche, une reproduction historique, un peu tout ça à la fois peut-être. D'une facture particulière, SAF est un magnifique exemple de traitement des matières animales en "reconstruction", qui tiendrait presque de la prestidigitation.
L’ouverture est très sucrée et fruitée sans être vraiment gourmande. : une touche très intéressante de cognac, de tabac "amsterdamer", avec du santal très crémeux et un un accord ambré vanille-labdanum. Confortable, agréable, intense. Volutes de Diptyque et Gold Leather de Atelier Cologne viennent en tête. Les premières minutes sont assez cuirées et confortable grâce au labdanum. Rien de bien complexe pour le moment : SAF va dans la direction de nombreuses références de niche masculines voulant faire un oriental quelque peu gourmand.

Le fond est le moment le plus "animal" de tout le parfum ; comme souvent certes, mais ici la bête tapie au fond du flacon est un chat de salon au poil bien trop précieux pour sortir du boudoir de sa maîtresse. Le patchouli fait son apparition, donnant un côté à la fois moisi et liquoreux aux dernières heures du développement, face à la sécheresse d’un oliban encore frais, attendant d’être brûlé dans l’encensoir d’une vieille église aux boiseries quelque peu vermoulues. L’oud arrive enfin (il était promis dans les notes, mais il m'a fallu attendre pour le sentir), et c’est cet oud indien classique que j’aime bien et qui fait fuir tout le monde : un peu sale et rebutant, avec des touches de roquefort et de camphre qui le rendent pratiquement im-portable tel quel, mais merveilleux pour faire tenir base en longueur et lui donner un léger décalage qui perturbe doucement mais sûrement le confort du porteur.
Parmi les parfums Al Faransi que j’ai pu tester jusqu’à maintenant, je perçois presque toujours cette base caractéristique de musc propre, de lavande aromatique et de cannelle, qui se conduit comme un fil conducteur à travers beaucoup des parfums de la marque. Elle soutient ici l’oud indien toutes en nuances boisées, camphorés et fromagères, face à un patchouli à la fois fruité et terreux, et les éclairs cuirés d’un ambre gris accompagné de labdanum qui reste jusqu’à la fin le thème principal de SAF.
https://fr.wikisource.org/wiki/La_Tentation_de_saint_Antoine/VI
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Parmi les nombreux mukhallats que j'ai pu sentir ces dernières années, quelques-unes des références Al Faransi se démarquent nettement. Sheikh Al Faransi fait partie d'entre elles. J'ai l'impression d'être tombée sur un ambre qui ne se laissera pas détrôner. J'ai beau essayé de décrire toutes ces notes, de donner l'idée de la complexité du développement, il est malgré tout presque futile d'essayer de rendre l'effet de l'ensemble par un simple portrait comme je viens de le faire. Alors, voilà :
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Fernand Khnopff, D'après Flaubert (La Tentation de Saint-Antoine). |
Merci pour cette magnifique revue. Je souhaitais juste apporter une précision: il s'agit bien d'un vrai ambre gris qui compose ce parfum.
RépondreSupprimerMerci pour cette précision, je pense qu'elle sera utile aux lecteurs. Bravo à vous pour cette création exceptionnelle !
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