lundi 27 mars 2017

De l'utilisation du second degré en parfumerie (Smell Bent, Werewolf Lumberjack etc.)


Le parfum étant généralement considéré comme un objet de luxe, il est presque toujours entouré par un effet d'aura qui bride quelque peu la créativité, et nous emmène forcément dans le conventionnel et l'ennuyeux (hum hum Guerlain).

Brent Leonesio, le créateur de la petite marque de niche californienne Smell Bent, a choisi de prendre une décision totalement opposée. Et c'est ainsi que Werewolf Lumberajck reclining on a bearskin rug in the middle of winter in front of an open fire est né, en incarnant la prise de risque extrême de la marque. 
N.B. : de mon point de vue, Smell Bent est tout ce que Etat Libre d'Orange a essayé d'être, avec des parfums vraiment originaux en plus.
Werewolf Lumberajck reclining on a bearskin rug in the middle of winter in front of an open fire (ci-après nommé Werewolf Lumberjack etc.) est un musc. Un énorme musc. Le plus animal de ma collection, loin devant Musc Tonkin, Musk Aswad et une multitude d'échantillons de trucs supposés sentir la bête. Werewolf Lumberjack etc. n'est pas une bête, c'est un monstre. Un beau monstre. Mais un monstre quand même. 
De la même manière que Fracas offre presque une parodie de féminité, Werewolf Lumberjack etc. remplit en quelque sorte cet office pour l'autre côté du spectre genré de la parfumerie. Ce parfum présente une esthétique particulière qui se réapproprie les codes publicitaires de la parfumerie masculine pour les pousser à l'extrême, les ridiculiser, tout en produisant un parfum à l'opposé du pseudo-boisé frais, propre, "aftershave-qui-pique" que cette esthétique permet habituellement de vendre.



L'ouverture est une explosion de muscs animaux, en particulier perçue à une certaine distance, supportée par du poivre noir. La projection est intense. Près de la peau, c'est une toute autre histoire. Un mélange déroutant de castoréum, de patchouli fruité, de musc tactile crée un parfum chaud et doux. Les notes fécales sont quasiment inexistantes et disparaissent peu à peu. Une véritable contradiction : un musc agréable, viril, mais pas vraiment masculin. Le patchouli donne à l'ensemble des aspects de vin chaud et d'épices. Le castoréum est doucement cuiré, un peu huileux. Des notes gourmandes de vanille et d'ambre gris tapissent le fond, et soutiennent le constant solo des muscs animaux. L'ensemble donne l'illusion d'un effet extrêmement confortable, d'une texture gourmande, sensuelle mais dense. La toute fin du développement révèle les facettes plus rugueuses du parfum : des bois, peut-être du chêne, mais probablement du cèdre, et une bonne dose de notes fumées, effet lapsang souchong au coin du feu (avec un loup-garou en chaleur), avec une touche fruitée de myrrhe qui apporte de la fraîcheur à l'ensemble. C'est un parfum monolithique, avec peu de retournements, mais qui conserve tout au long du développement la même formidable chaleur animale.

En cette fin d'hiver, Werewolf Lumberjack etc. réussit à réchauffer les derniers endroits ayant échappés au soleil, et s'accroche à la peau comme un véritable manteau de fourrure. Il est maintenant discontinué, mais il existe une version similaire, légèrement plus boisée, disponible dans la collection permanente de Smell Bent.

P. S. : Remerciement discret à Brent Leonesio pour son service clients remarquable, qui a su pallier à l'incompétence des douanes françaises. Je regrette juste que Smell Bent n'ait pas de point de vente en France. Jovoy, c'est le moment de varier un peu la sélection...


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